Engagée dans une démarche soucieuse du consommateur et innovante, notre entreprise a vinifié cette année un cotes du Roussillon sans soufre dans le chai du Mas Janeil. Loin d’une démarche intégriste ou du courant des vins « nature », il s’agit d’une démarche pragmatique dont l’objectif est de proposer un vin plus « vivant », plus authentique et peut être plus marqué par son terroir.
Le soufre quésako ?
C’est une molécule utilisée dans le vin sous forme de dioxyde de soufre, le SO2. Une molécule obtenue soit à partir de soufre naturel ou issue de la pétrochimie. Alors que les grecs utilisaient de la résine pour conserver les vins, les romains ont appris à utiliser le SO2 pour protéger leur vins. (Les gaulois et leur barriques les ont aiguillés !) Depuis plus de 2000 ans, cette pratique du sulfitage au cours de la vinification et de la conservation des vins s’est avérée satisfaisante et simple à mettre en œuvre. Le SO2 s’utilise pour le process de transformation et la conservation de très nombreux produits agro alimentaires : les légumes, les fruits secs, les jus de fruits, etc…
Le SO2 se retrouve sous plusieurs formes dans le vin ; c’est la forme SO2 libre qui remplit tout d’abord un rôle d’anti oxydant, en bloquant l’action de l’oxygène sur les molécules sensibles responsables de tels ou tels arômes, de la couleur, etc.., ensuite un rôle biocide en contrôlant l’activité des populations des micro organismes tels que levures, bactéries, moisissures. Le SO2 moléculaire est véritablement la forme active sur le plan biologique et sa proportion s’avère très dépendante du pH du vin. C’est le SO2 moléculaire qui détermine la stabilité du vin vis-à-vis des levures, brettanomyces (levures d’altération responsable du gout d’écurie) et bactéries lactiques. A la dégustation, cette forme est responsable de l’impression irritante au nez et celle qui perturbe la perception aromatique d’un vin.
Alors pourquoi tendre à diminuer son utilisation, voire à le supprimer ?
Sans problème quand utilisé à des doses raisonnables, le SO2 est classé comme allergène ; la réglementation impose de noter sa présence sur les étiquettes de vin depuis quelques années. En réalité très peu de personnes sont allergiques à cette molécule et les faibles quantités présentes dans les vins pourraient provoquer une réaction dans des cas extrêmement rares. La volonté du législateur est donc bien d’orienter les producteurs vers une diminution de son usage ; c’est ainsi que la dose maximale autorisée contenue dans les vins a été diminuée à plusieurs reprises depuis 20 ans.
« Sans sulfites, la biologie devient le centre de l’œnologie »,
comme le dit si bien Mr Immelé, œnologue, expert en vinification sans soufre Nos principes de vinification et d’élevage sont basés prioritairement sur le travail de raisins « parfaits » dans un environnement sain. Dans ces conditions optimales mais variables d’un millésime à l’autre, il est possible d’élaborer de très bons vins avec un minimum de produits œnologiques et de SO2. La difficulté s’accroit dans notre région au climat chaud ; en effet, la faible acidité des vins induit un sulfitage plus important pour une même protection. Ainsi une optimisation des process œnologiques s’impose dès que l’on souhaite vinifier sans SO2. L’état sanitaire des raisins doit être irréprochable, le tri à réception obligatoire, l’encuvage de raisins à température basse (via le passage en chambre froide) retardant le développement des micro organismes endogènes, pour la plupart responsables d’altérations, un levurage efficace provoquant un départ en fermentation rapide et une fermentation régulière et complète des sucres. Ainsi les surmaturités recherchées pour l’apport d’arômes intenses et d’une concentration optimale tendent à être ramenée à des maturités plus précoces qui privilégient une richesse potentielle alcoolique plus basse et la préservation du peu d’acidité offerte par nos cépages traditionnels. Une hygiène de cave rigoureuse (cuverie, matériel vinaire) et l’utilisation de gaz d’inertage (azote, gaz carbonique) permet la maitrise des populations de micro organismes non souhaités. En phase d’élevage, les soutirages de clarification, les ouillages fréquents, participent à la conservation en milieu favorable. La mise en bouteille est probablement l’étape la plus oenologiquement compliquée du fait du risque d’oxygénation du vin. L’oxygène dissous peut dans le temps dégrader les qualités du vin et « réveiller » une population latente. Des opérations préalables de filtration ou de flash pasteurisation participent au contrôle de cette population.
Au delà d’un caractère gustatif plus franc, de plus de netteté aromatique, le vin sans sulfite participe à sa façon à construire un monde plus sain, plus tolérant envers les populations environnantes.
A la conquête de nouveaux amateurs, le vin sans SO2 aide certainement à promouvoir l’image d’un produit respectueux du consommateur et du terroir.